lundi 11 mars 2052

Carte de Visite


On n'apprend pas à tirer les cartes, ce sont les cartes qui viennent à vous !
Souvent par l'entremise d'une vieille tante ou d'une grand-mère comme c'est mon cas. 

Elle était venue d'Europe centrale avec tous ses proches. Comme beaucoup à cette époque, ils fuyaient les conflits, la famine et les épidémies.
Un beau jour, ils s'étaient arrêtés à Venise. La Zia, comme on la nommait dans la famille, y avait rencontré et épousé un sédentaire, un Napolitain peintre en bâtiment : Napoleone Zani. Elle lui avait donné de nombreux enfants et tout ce petit monde était allé vivre paisiblement sur les bords de la mer Tyrrhénienne, du moins, pendant un certain temps.
A la seconde guerre mondiale, ils avaient pourtant été contraints de reprendre la route fuyant, cette fois, Mussolini et sa folie meurtrière. Les Zani avaient donc élu domicile à La Combelle, un petit village français situé à une cinquantaine de kilomètres de Clermont Ferrand. C'est là que je l'ai connue !

Lorsque j'étais enfant, on m'y envoyait l'été passer mes vacances. Je me sentais tellement dépaysé, moi le citadin, au milieu de ces gens dont je ne comprenais même pas la langue. Alors, la plupart du temps, je restais silencieux et j'observais.

Presque tous les après-midi, la Zia avait de la visite, souvent des femmes. Et lorsque c'était un homme, il venait d'une ville voisine. Cela commençait toujours de la même façon : ils s'asseyaient autour de la grande table recouverte d'une toile cirée à fleurs, et ils parlaient, s'épanchaient, encore et encore, tout en buvant une tasse de café bien noir. Ma grand-mère les écoutait attentivement pendant un long moment. Puis, tout à coup, elle sortait d'une boite en bois d'acajou son vieux jeu de tarot à jouer. Et à partir de cet instant, c'était elle que tous nous écoutions...

Elle ne m'a jamais appris à dire "la bonne aventure". Mais ces nombreux étés passé à la regarder ont permis à ma mémoire d'y graver définitivement le sens énigmatique de toutes ces cartes.

Je pensais, pourtant, avoir tout oublié !

Je ne suis plus jamais retourné à La Combelle et ma propre route m'a conduit vers d'autres horizons soi-disant "plus sérieux". J'ai fait de longues études, ici et ailleurs. Exercé la psychothérapie à Paris pendant plus de trente ans. Jusqu'à ce qu'un jour, au cours d'une de mes séances, un patient... Mais, ça, c'est une tout autre histoire... (Extraits du livre Sorcellerie Tzigane).